Français: Blog sur la thèse de doctorat d'Eric Pasquati, dont le thème est l'appropriation des technologies de l'information et de la communication (TIC) par des agriculteurs ouest-africains.

English: Eric Pasquati's PhD concerning the appropriation of ICT by farmers in West Africa. Please, fell free to leave your comments in English.

Português: Tese de doutorado de Eric Pasquati sobre a apropriação das tecnologias da informação e da comunicação (TIC) pelos agricultores da
África do Oeste. Será um prazer discutir também em Português sobre o tema.

Español: Tesis de doctorado de Eric Pasquati sobre la
apropiación de las tecnologías de información y de la comunicación (TIC) por los agricultores del África de l'Oeste. Sientan la libertad de dejar también sus comentarios en español.

29 juil. 2008

Article - Paul Stryckman - De la méthode

Auteur : Paul Stryckman
Titre : De la méthode
Dans: la revue Communication et Organisation, numéro 10
Maison d’édition : GREC/O
Année : 1996 (deuxième semestre)
Mots clés : méthode, méthodologie, protocole, techniques, norme, science

Encore sans vouloir faire un résumé de l'article en question, essayons de commenter quelques points qui m'ont attiré l'attention.

Selon l'auteur, la méthodologie est la réflexion sur la méthode. La méthode concerne aussi bien le chemin suivi dans une recherche (acception positive, descriptive), que le chemin à suivre (acception normative) – des règles qui valident une recherche.

Bien poser la question de départ… "(…) la question est clairement préalable à tout cheminement à suivre, c'est-à-dire antérieure à toute méthode." (p 31). Le questionnement (question de départ) doit être précis, et les termes fondamentaux utilisés dans sa description doivent être clarifiés.

Bien différencier méthode de technique… Les techniques sont des opérations pratiques de traitement de données. La méthodologie est la réflexion qui donne raison à l'enchainement de techniques dans un travail de recherche. Dans le cas de l'application d'un questionnaire, l'explication du choix des questions, des possibilités de réponses, de la façon par laquelle il a été appliqué font partie de la méthode; le moyen d'application en soi est la technique.

Conscientiser et garder des traces des choix effectués pendant la recherche… La méthodologie positive (celle qui "examine de façon critique le chemin suivi", p24), se fait peut-être plus facilement une fois la recherche accomplie. Mais il faut garder à l'esprit l'importance de noter les étapes suivies et les choix auxquels on a été confronté au fur et à mesure que la recherche avance. Garder des traces des choix effectués permet l'évaluation finale de la méthode appliquée, et ainsi on évite de répéter l'erreur, si répandue dans les travaux en communication, de réduire la section "méthodologie" du rapport final à une simple description des techniques employées, ce qui en soi ne valide pas la méthode. Il faut que la méthode soit explicitée, que le raisonnement suivi soit logiquement justifié. Dans ce sens, l'auteur dit:
"la réflexion méthodologique consiste principalement à prendre conscience des choix pris durant l'avancement de la recherche." (p 24)

Utiliser plutôt la notion de protocole et non pas le terme "méthodes", au pluriel… Un même objet de recherche peut être cerné théoriquement et empiriquement de plusieurs façons. On parle souvent des "méthodes" quantitatives, qualitatives, structurales. Pour éviter des confusions terminologiques, il vaut mieux utiliser le terme protocole pour nommer ces démarches particulières. Selon l'auteur, le protocole est une "liste de conventions appliquées dans une opération" (p 34), ou encore "un ensemble de règles appliquées systématiquement dans l'enregistrement d'informations et dans leur traitement ultérieur" (p 34). Ainsi le terme se prête bien à la tâche; on dira donc: protocole quantitatif, qualitatif, structural.

Dans les exemples d'application donnés par l'auteur (pp 34-39), il parle de notions qui peuvent s'avérer intéressantes pour le travail de la thèse: des approches statique et dynamique d'interaction avec la population (p 36), et surtout le protocole de décentration (p 37) et mise en perspective des observations dans le cadre d'une problématique plus générale.

Pour finir:
"l'exigence méthodologique consiste (…) à évaluer la pertinence et la fiabilité du chemin suivi selon un protocole donné ou [du chemin] à suivre selon la question posée ou l'hypothèse formulée" (p 36)

28 juil. 2008

Rendez-vous téléphonique avec JMB

Avec : Jean-Marie Blanchard, conseilleur professionnel pour la thèse
Quand : le 21 juillet 2008, de 9h45 à 10h15
Objet : échanges d'impressions sur l'état des lieux des TIC ruraux en Afrique de l'Ouest

Monsieur Blanchard partage en général mes impressions sur l'état des lieux des TIC en Afrique de l'Ouest. La discussion m'a aidé à préciser la description des constats faits sur le terrain. En bref:

  • utilisation naissante de la technologie: pour l'instant, l'utilisation des TIC dans le monde rural africain est très réduite et limitée.
  • manque d'intérêt des opérateurs mobiles: les opérateurs de la téléphonie mobile en Afrique de l'Ouest ne s'intéressent pas (ou encore très peu) aux services à haute valeur ajoutée, comme l'accès à internet via le téléphone portable. Peut-être parce que cela impliquerait trop d'investissement pour comprendre les besoins spécifiques des utilisateurs potentiels.
  • évaluation des priorités: la TIC n'est qu'un outil, et il ne faut pas se tromper par rapport aux priorités pour le développement. Pour qu'un système d'information soit efficacement au service des paysans il faudrait tout d'abord que l'organisation professionnelle de producteurs soit bien structurée, en suite il faut considérer la question de la formation des paysans et du grand effort de simplification à faire dans la présentation des informations, et c'est seulement en troisième lieu que la question de l'infrastructure devrait être traitée.
  • relativisation du problème d'appropriation des technologies par les agriculteurs: si l'organisation professionnelle était bien structurée, et si des informations pertinentes et adaptées étaient présentées aux agriculteurs, ils seraient suffisamment motivés pour soulever les difficultés d'appropriation de la technologie.

Face au désintérêt des opérateurs de téléphonie mobile par des services d'haute valeur ajoutée pour les paysans Africains, Monsieur Blanchard pense que la solution passe par des prestataires de services locaux. Ils pourraient travailler avec les spécificités de la demande du monde rural, mais ils sont très petits et peu structurés actuellement. Il manquerait des incubateurs* pour faciliter leur développement.

Actuellement, monsieur Blanchard fait quelques déplacements: au Mali pour poursuivre son étude sur les stratégies d'accès universel aux TIC, commandée par la Banque Mondiale, et au Benin pour une étude sur l'adaptation de services informatiques pour les zones rurales, en partenariat avec un prestataire local.

Une réunion à FARM, à la dernière semaine d'août a été fixée (le mercredi 27 août à 15h). La participation de Bernard Bachelier est souhaitée au moins pour une partie de la réunion.

* Le programme infoDev, financé principalement par la Banque Mondiale, considère l'incubation comme une priorité.

24 juil. 2008

Visite au CRCR de Matam, entretien avec Mamadou Bocoum

Avec : Mamadou Bocoum, relais en communication du CRCR de Matam
Quand : le 19 juin 2008
Où : au CRCR de Matam (Centre Régional de Coopération et de Concertation des Ruraux), Sénégal
Objet : le Pënc du CRCR de Matam

Le relais en communication du Pënc de Matam est quelqu'un de très dynamique, avec plein d'idées de comment développer la communication entre les divers acteurs de terrain, mais il a à sa disposition très peu de ressources. Il se dit un relais entre les porteurs de projets (OPs, organisées dans les CLCOP) et les partenaires pour le développement.

Comme il n'y a pas encore de connexion internet au Pënc de Matam, Monsieur Bocoum est obligé de se déplacer pour recueillir les informations des projets de développement et les offrir dans la suite aux producteurs que viennent vers lui ; "on va vers l'information", il me dit. Les déplacements sont à sa charge. Pour rester en contact via internet avec le siège de l'ASPRODEB ou avec ses pairs, il doit aller à un cybercafé, et payer lui-même la connexion (300 FCFA par heure), ou dans les bureaux d'autres projets de développement de la région – c'est le cas de l'ANCAR (l'Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural, aussi partie du projet PSAOP financé par la Banque Mondial) qui, grâce à la bonne volonté des responsables à Matam, permet que Monsieur Bocoum vienne consulter sa boîte email gratuitement de temps en temps. Une clé USB est utilisée pour assurer le transfert des données entre le poste du Pënc (sans connexion) et le cybercafé ou les postes de l'ANCAR.

Dans le circuit de l'information, des contacts informels avec les techniciens de l'ANCAR ont un rôle important. Ces techniciens sont en contact direct avec les CLCOP et donc avec les producteurs. Dès qu'ils viennent à Matam, ils passent voir le relais en communication pour donner des nouvelles et recueillir des informations à transmettre aux producteurs. C'est une complicité informelle entre le relais en communication et les techniciens de l'ANCAR, une dynamique créée par eux-mêmes, par laquelle ils essaient d'augmenter la fluidité de l'information dans les deux sens, montant et descendant. Ainsi, si le relais en communication a besoin d'informer un CLCOP donné, il va d'abord à l'ANCAR et demande s'il y a des techniciens liés au CLCOP en question qui vont passer par Matam, ou pour prendre leurs numéros de téléphone.

Lancé en novembre 2007, le Pënc de Matam compte parmi ses activités et produits:
  • dépliant de présentation du CRCR
  • bulletin d'information mensuel
  • organisation de la participation des groupements à des événements régionaux et nationaux (comme la journée régionale paysanne de la région de Matam en décembre 2007, et la FIARA 2008, la Foire Internationale de l'Agriculture et des Ressources Animales, à Dakar)
  • mise en place d'un forum de discussion régional entre les membre avec accès à internet
  • impressions de documents (pour les membres, 25 FCFA la page ou 15 FCFA si la personne apporte du papier)
  • information générales (comme sur la procédure d'ouverture d'un compte dans une mutuelle d'épargne et de crédit)

Il y a également un plan de diffusion d'informations par la radio, mais le financement n'est pas encore libéré. Une comparaison des radios de la région a été faite, la radio a été choisie et un contrat de 7 mois établi pour des émissions mensuelles de 45 minutes. Il ne manque plus que l'argent.

Les principales sources d'information sont:
  • la base (exemple: information sur un recrutement de la FONGS, une des sociétés faitières membre du CNCR, dans ce cas, des membres de la FONGS se sont déplacé et ont laissé des dossiers de candidature pour le poste dans le Pënc)
  • ASPRODEB (échange de fichiers avec google docs)
  • bulletin hebdomadaire de la Coopération Suisse
  • bulletin hebdomadaire Agrinfo (abonnement payé par l'ASPRODEB)
  • direction régionale de l'agiculture (état)

Par rapport au traitement de l'information avant diffusion, le relais en communication dit que l'information est toujours résumée, et parfois traduite, par lui-même, dans la langue locale (le Poulard). Ainsi, par exemple, chaque numéro du bulletin mensuel contient des petits articles en Poulard.

Monsieur Bocoum pense qu'avec l'accès à internet dans le Pënc les possibilités vont se démultiplier, surtout en termes d'échange avec les partenaires. Il pense également que la formation des producteurs à l'utilisation des outils informatique est importante, mais il regrette le manque d'intérêt des membres (normalement les producteurs les plus âgés). Le contact des producteurs avec la machine au Pënc de Matam reste très réduit. Le service de formation (assuré par le propre relais en communication) n'est pas encore proposé aux jeunes du village, mais Monsieur Bocoum est sûr que beaucoup d'entre eux seraient intéressés.

Une impression par rapport au dynamisme des Pëncs: il dépend énormément de la motivation du relais en communication. Et cette motivation, on pourrait le dire, ne vient pas du salaire qu'ils reçoivent: Monsieur Bocoum avoue être prêt à prendre la première opportunité qui apparaisse avec une meilleure rémunération.

Point sur la méthode

L'édition de juin 2008 de la revue Computer, la principale publication de l'IEEE Computer Society (département informatique de l'Institut des Ingénieurs Electriques et Electroniques), propose un dossier sur les TIC pour le développement.

Lisant l'introduction des éditeurs invités (cliquez ici pour le fichier pdf), on découvre que la communauté scientifique est de moins en moins intéressée par les centres informatiques simples (appelés parfois télé-centres), même s'ils sont encore très répondus dans les stratégies de développement des praticiens. Voici le morceau qu'indique cette tendance (gras par nous):

"(...) the PC-based telecenter providing general public access to computing or the Internet appears to be waning in interest among ICTD researchers, despite its earlier status as the focal point of ICTD work and ongoing interest outside the academic community. For example, the government of India is set to roll out 100,000 government supported telecenters, yet formal studies of the economic sustainability and socioeconomic impact of telecenters have found them wanting. Indeed, none of the articles here considers the telecenter as a locus of innovation. In its place, the authors pay increased attention to innovations involving wireless technology, mobile phones, and digital video, where the PC often lurks in the background."

Il faut qu'on reste attentif à la fois à ces tendances et aux réalités de terrain pour faire des bons choix d'orientation pour la thèse. Peut-être il serait le cas d'essayer de concentrer les efforts sur des applications basées sur le téléphone mobile. A prendre en compte dans la suite...

22 juil. 2008

Livre - Guy Sorman - Le génie de l’Inde

Auteur : Guy Sorman
Titre : Le génie de l’inde
Maison d’édition : Fayard
Année : 2000
Mots clés : développement, Inde, révolution verte, économie de la dignité

Dans ce livre Guy Sorman parle du développement économique récent de l'Inde, surtout à partir de la perspective de la "révolution verte" (grande augmentation de la production agricole indienne grâce à l'introduction de semences hybrides et d'un contexte structural favorable). Sans vouloir faire un résumé du livre, essayons d'indiquer quelques points de réflexion particulièrement intéressants par rapport à la thématique de la thèse*(1).

M. S. Swaminathan, biologiste indien réputé, est considéré le père de la révolution verte. En collaboration avec l'agronome américain Norman Borlaug, à partir des années 1970 Swaminathan a mis au point des hybrides de blé, de riz et de maïs qui ont permis une grande augmentation de la production indienne de céréales. Au delà des efforts initiaux dans le domaine de la biotechnologie, et convaincu que pour augmenter ses revenus les paysans pauvres avaient besoin d'être bien informés*(2), Swaminathan a mis en place à partir de 1995 dans le village de Kizhoor, à 20 kilomètres à ouest de Pondichéry, un terminal informatique.

Des volontaires (notamment des femmes appartenant aux plus basses castes) ont été formés pour utiliser l'équipement. Les programmes sont en langue local (tamoul), ce qui facilite leur appropriation par les utilisateurs. Basé dans la demande des agriculteurs, l'offre d'informations inclut: "où acheter des semences et des engrais au meilleur prix; les cours sur les marchés où ils vont écouler leurs produits (…), l'heure de passage du car (…) [mais aussi] un programme qui recense les aides publiques aux pauvres." (p177). Autant d'informations qui améliorent et la gestion du travail des petits agriculteurs et leur capacité de négociation face aux intermédiaires.

Donnant l'exemple des agriculteurs qui, après avoir été bien informés dans le centre informatique de Kizhoor, ont pu être éligibles à des programmes d'aide publique aux pauvres, Sorman parler du pouvoir de transformation social de la circulation du savoir. Selon lui: "la circulation instantanée du savoir modifiera la relation hiérarchique ancienne entre le pouvoir et le sujet, le citoyen deviendra un netoyen, mieux informé par son réseau qu'il n'est par la cité." (p177)

De façon plus générale et indépendamment de l'application technologique, la résistance de la pauvreté face à l'innovation est un autre point de réflexion qui mérite notre attention. Selon Sorman: "il n'est pas facile de convaincre un paysan pauvre [à innover]: non parce qu'il est ignorant ou rejette le changement, mais parce que son comportement conservateur est rationnel. (…) surtout s'il est à la limite de la survie, il ne peut pas aisément courir le risque du changement. Quelle assurance aurait-il en cas d'échec de l'innovation? Aucune. Il lui paraît donc préférable de ne pas innover." (p170). L'"accommodement à la pauvreté" des paysans indiens avait déjà été repéré par John Kenneth Galbraith (économiste américain, ambassadeur en Inde en 1961) tant que obstacle majeur au développement*(3). Sorman nous dit que Galbraith avait "conclu que toute stratégie de développement exigeait par priorité de réduire le risque de l'innovation" (p171).

C'est exactement pour répondre à cette nécessité de réduire le risque de l'innovation que Swaminathan a fait lui-même sur place des démonstrations de l'efficacité des nouvelles semences, par exemple. Des paysans étaient invités à visiter les champs expérimentaux de Swaminathan et peu à peu les plus entrepreneurs ont franchi le seuil de la méfiance pour adhérer aux nouvelles semences.

Après le succès de la révolution verte, Swaminathan a été amené à évaluer les limites de cette démarche. A part le fait que les nouvelles cultures étaient très consommatrices en eau et en engrais, ce qui engendre des contraintes écologiques importantes, cette initiative ne pouvait aider que les personnes ayant accès à la de terre. Complémentant le concept de développement derrière la révolution verte avec les dimensions écologique et humaine Swaminathan arrive à ce que Sorman appelle "l'économie de la dignité". Voici les commentaires de Sorman: "l'économie de la dignité s'adresse par priorité aux humbles, aux femmes, aux parias, et elle recourt à des techniques respectueuses des équilibres de la nature." (p172), "le critère de l'action économique qu'il [Swaminathan] propose n'est pas la puissance nationale, mais l'élévation de la dignité des individus; sa démarche doit donc à la pensée du Mahatma Gandhi pour qui l'homme, et non pas l'Etat ou la Nation, est la seule mesure du développement." (p168). Toujours à Kizhoor, cette approche de l'économie de la dignité support ainsi le développement de la production de champignons par des femmes pauvres et sans accès à la terre. Sorman conclut à propos de Swaminathan: "(…) il fait émerger des entrepreneurs économiquement autonomes à partir des couches les plus humbles de la population rurale."(p170)
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*(1) Ces points sont traités principalement dans le chapitre 8, "Internet à Pondichéry".
*(2) Selon Swaminathan, "le savoir, c'est le pouvoir économique"
*(3) La thèse de John Galbraith sur l'accommodement de la pauvreté se trouve dans "Théorie de la pauvreté de masse", Gallimard, Paris, 1980

21 juil. 2008

Réunion avec BB

Avec : Bernard Bachelier, tuteur professionnel pour la thèse
Quand : le 21 juillet 2008, de 16h à 17h
Où : FARM, Paris
Objet : point d’avancement de la thèse

Face à l’effort supplémentaire de lecture proposé par le directeur de thèse, Bernard me suggère de faire, pour chaque bouquin lu, des fiches d’un page résumant les idées majeures, les éléments essentiels par rapport au travail de la thèse. Il ne s’agit pas d’un résumé : ce travail ne se veut pas exhaustif par rapport au contenu du livre. Il s’agit plutôt d’un effort d’explication de l’intérêt du livre, mettant en avance son message fondamental en rapport avec le travail de la thèse. Encore pour la lecture, Bernard suggère de la discipline : des créneaux horaires précis à respecter. Je vais essayer la division de chaque journée, le matin pour les lectures et l’après-midi pour faire avancer les autres dossiers (actuellement, surtout pour produire les documents de valorisation de l’expérience de la mission en Afrique de l’Ouest, mais aussi la mise à jour du site, etc).

Pour le comité de pilotage de la thèse Bernard suggère qu’il soit virtuel (en pratique on n’arrive pas a faire fonctionner un comité réel en raison de la difficulté de concilier les disponibilités des participants). Le comité de pilotage virtuel serait composé idéalement par des personnes du monde académique et du monde professionnel, et pour ce dernier, aussi bien du domaine public que du privé. Des contacts avec le FIDA et le CTA seront lancé dans les jours qui viennent.

Visite à Manobi, entretien avec Daniel Annerose

Avec : Daniel Annerose, directeur général de Manobi
Quand : le 16 juin 2008
Où : au siège de Manobi, Dakar, Sénégal
Objet : la thèse

Daniel Annerose a été très critique par rapport au thème de la thèse (l’appropriation des TIC par les agriculteurs). D’un coté, les TIC ont, selon lui, un rôle très accessoire dans le développement rural, et préalablement à leur déploiement il faut absolument que les filières agricoles soient bien structurées. De l’autre côté, il dit que l’appropriation des technologies par les agriculteurs est une fausse question, car, une fois que les organisations paysannes seront bien structurées et que l’offre de services technologiques sera adaptée aux besoins locaux, les producteurs seront près à y adhérer et n’auront pas des difficultés spécifiques pour utiliser la technologie.

Par rapport à l’approche envisagée dans le travail de la thèse, il est d’accord sur l’intérêt d’utilisation des systèmes d’information pour échanger des bonnes pratiques et des conseils agricoles, et non pas seulement des informations de marché. Il a cité, notamment, des agences de vulgarisation comme Sodeva, aujourd’hui disparues, et qui faisaient un bon travail de vulgarisation agricole au Sénégal. Il pense que l’utilisation des TIC dans ce domaine peut être prometteuse, toujours à condition d’une bonne structuration préalable des OP.

En bref, Monsieur Annerose a souligné qu’un système d’information ne peut pas être efficacement au service des producteurs dans l’absence d’une structuration forte de la profession agricole. Autrement dit, il faut que les OP soient bien structurées pour que ses membres soient en condition de bénéficier d’un système d’information efficace.

Visite au CRCR de Dakar, entretien avec Mamadou Ba

Avec : Mamadou Ba, relais en communication du CRCR de Dakar
Quand : le 17 juin 2008
Où : au CRCR de Dakar (Centre Régional de Coopération et de Concertation des Ruraux), Sénégal
Objet : le Pënc du CRCR de Dakar

Selon Mamadou Ba, l’objectif du Pënc est surtout de mettre les informations en circulation, servir de cadre d’échange entre les leaders et la base. Cet objectif se décline en :
1) collecter des informations, surtout auprès de la base, pour mettre en évidence le dynamisme de la base, les stratégies de mise en oeuvre de l’activité agricole, de la gestion des ressources naturelles, etc ;
2) répertorier les acteurs de développement de la région (programmes de développement, ONG), recueillir des informations sur leurs programmes et informer les producteurs ;
3) servir de lieux de concertation entre : les producteurs, les acteurs de développement, et les médias (répertoire des organes de presse)

Une des principales activités de communication prévues est l’organisation de rencontres entre ces trois types d’acteurs. Néanmoins, au CRCR de Dakar cela n’est pas encore une réalité : le budget de fonctionnement qui permettra l’organisation des rencontres doit être libéré à partir de juillet 2008. Ce budget servira surtout pour payer le déplacement des producteurs pour assurer leur participation aux rendez-vous.

Ce qui se fait déjà, sur une périodicité mensuelle, sont le bulletin d’information et le rapport d’activités. Ce sont des moyens de retransmission des informations recueillies par le relais en communication sur tout ce qui se passe dans la région. Ces informations sont résumées et parfois simplifiées avant d’être transmises aux producteurs. En plus, et comme travail initial (avant que les moyens de communication soient disponibles) Mamadou Ba a préparé des dépliants d’information sur le CRCR et le Pënc.

En pratique, comment le relais en communication est en contact avec les producteurs ? L’idée serait que la majorité des communications se fassent par email. Mais, dans la région de Dakar seulement un des points focaux a un compte email (et cela depuis moins d’un mois). En plus, le propre Pënc au CRCR de Dakar rencontrait des problèmes de connexion à internet depuis quelques semaines lors de ma visite. En réalité, les relais en communication et les producteurs entrent en contact par le courrier, les déplacements (aussi bien du relais en communication vers les communautés, que des producteurs au Pënc) et surtout par le téléphone portable (pris en charge par les propres utilisateurs).

A la base, les acteurs de terrain sont toujours prêts à recevoir le relais en communication, car, pour eux, il s’agit d’une opportunité de parler de leurs préoccupations et de voir leurs problèmes transmis aux décideurs d’autres instances.

Comme il a déjà été dit dans un autre article, les points focaux ne sont pas rémunérés par le programme PSAOP. Selon Mamadou Ba, leur motivation se base sur la perspective de développement de la région. Mamadou a rappelé la tendance de donner de plus en plus d’importance à la maîtrise de l’outil informatique pour assurer le dynamisme des institutions à la base. Voici une piste pour expliquer l’intérêt du programme PSAOP à investir en formations pour les utilisateurs, en particulier pour les points focaux.

11 juil. 2008

Système d’information du CNCR

Pour l’instant le système d’information du CNCR est organisé surtout dans le sens descendant, de diffusion d’informations vers des niveaux intermédiaires de l’organisation des paysans au Sénégal, notamment les CRCR (Centres Régionaux de Concertation des Ruraux).

Les principales sources du système actuellement sont des lettres d’informations proposées par d’institutions étrangères comme la lettre hebdomadaire de l’AFDI (Agriculteurs Français et Développement International), la revue de presse bimensuelle sur le monde agricole au Sénégal faite par le bureau de la Coopération Suisse au Sénégal, la revue Dajaloo publié par SOS Faim, entre autres. Ces documents sont reçus et retransmis par email. En plus de ces documents, des rapports de l’Initiative Prospective Agricole et Rural* sont également diffusés.

Face à l’externalisation du système d’information conçu initialement par le CNCR**, cet institution lance maintenant une opération de restructuration de son système d’information interne. Ils ont déjà un accord avec SOS Faim Belgique pour le financement, mais l’argent n’a pas encore été libéré. L’idée est d’organiser la formation d’une centaine de personnes à l’utilisation des TIC, en particulier d’internet. A partir du deuxième semestre de 2008 le CNCR compte organiser 5 séances de formation de 2 à 3 jours, pour une vingtaine de personnes chacune. Il s’agit bien d’un projet de formation, sans appui spécifique pour l’acquisition ou l’entretien d’infrastructure informatique. Les personnes formées constitueront un réseau de relais sur le terrain, et prendront à leur charge les coûts d’utilisation d’internet (de 200 à 300 FCFA par heure dans un cybercafé, à moins de 20 Km dans la majorité des cas) et ceux de transport pour pouvoir y accéder.

Deux détails pratiques qui montrent des grands besoins encore en termes d’infrastructure de communication interne au CNCR : en pratique seulement 15 des 26 sociétés faitières membres du CNCR ont accès à internet ; et l’accès internet du siège du CNCR est payé par le projet PSAOP de la Banque Mondiale, géré actuellement par l’ASPRODEB**.

* Il s’agit d’un rassemblement d’acteurs de la société civil (CNCR), de l’état (Ministère de l’Agriculture), des instituts de recherche et des ONG pour discuter sur des problèmes du développement rural au Sénégal.

** pour plus d’information voir article "Le CNCR, l’ASPRODEB et le PSAOP", publié le 10 juillet 2008

Source : entretien Marius Dia (CNCR)

Les Pëncs

Partie fondamentale de la stratégie d’échange d’informations entre les différentes instances de l’organisation des paysans au Sénégal, le Pënc (se lit "peint") est un point d’appui du système d’information institutionnel. Il a été conçu pour fonctionner comme une véritable bourse d’informations, à être alimentée à la fois par les plateformes nationales, comme le CNCR*, et par les instances plus proches du terrain. Il existe surtout pour faciliter la circulation des informations.

Tout Pënc est sensé compter avec un ordinateur, une connexion internet, un fax, une photocopieuse, un véhicule, un panneau d’affichage et une bibliothèque avec des documents en version papier. Il est piloté par le relais en communication, dont la mission originale, dans la première phase du projet PSAOP*, se limitait à la gestion du flux d’information, aussi bien descendant que montant, et à l’appui aux OP dans la conception et mise en forme de ses projets de développement, de façon que ceux-ci soient plus facilement éligibles aux financements disponibles dans la région.

Dans la deuxième phase du PSAOP, la mission des relais en communication a été élargie. S’ajoutent aux fonctions originales : la création d’une base de données sur les possibles financeurs pour des projets de terrain dans la région ; la publication d’un bulletin mensuel d’information ; et l’intermédiation avec les organes de presse. Cette dernière fonction est d’informer les journalistes à propos de la réalité rurale, des événements associatifs, et pour mettre en place des diffusions régionales d’information à travers les radios locales.

Le rôle principal du relais en communication est d’alléger les informations reçues et compilées avant la diffusion. Une fois que les utilisateurs potentiels ont en général un niveau de formation assez basique, cette étape de simplification est fondamentale pour faciliter la compréhension des messages. Le relais en information est un véritable filtre d’informations, et parfois il fait également des traductions dans les langues locales.

Les sources d’informations des relais en information sont nombreuses : les plateformes nationales, les élus aux différents niveaux institutionnels, les producteurs rencontrés lors des visites de terrain ou des passages des agriculteurs par le Pënc, en plus des bulletins d’information d’autres institutions. En théorie, le relais en communication utilise internet et les téléphones fixe et portable pour se communiquer avec ses sources, et les diffusions se font par le panneau d’affichage, des bulletins d’information, des emails, des émissions radio, et des déplacements dans les communautés rurales.

Au niveau des communautés rurales, le système compte de plus en plus avec d’autres personnes-relais, appelées les points focaux. Ces personnes sont en contact direct (téléphone et/ou email) avec le relais en communication responsable du Pënc de la région. Un des points de la réflexion actuelle à l’ASPRODEB*, responsable du réseau des Pëncs, c’est la motivation des points focaux, qui travaillent bénévolement pour assurer la circulation de l’information entre la base et les Pëncs. Sociologiquement parlant le rôle de porteur de l’information pourrait intégrer en soi une motivation importante : la reconnaissance sociale qui en découle. De toute façon, l’ASPRODEB et le CNCR réfléchisse ensemble à la motivation des points focaux, et une des pistes sont les formations à l’utilisation des TIC.

Les dépenses liées au fonctionnement du Pënc et le salaire du relais en communication entrent dans le budget de la composante OP du programme PSAOP. A titre indicatif, les dépenses avec internet et le téléphone fixe montent à approximativement 30 mille FCFA par mois, par Pënc.

Les informations données dans cet article sont plutôt de caractère "théorique"... dans la pratique les choses ne fonctionne pas toujours si bien. Comme exemple, les deux Pëncs visités n’avaient pas de connexion internet opérationnelle, soit parce qu’elle était carrément absente (Pënc de Matam), soit parce que elle ne fonctionnait pas depuis quelques mois (Pënc de Dakar). Pour avoir plus de détails sur l’activité d’un Pënc, voir les articles[à être publiés bientôt] "Visite au CRCR de Dakar" et "Visite au CRCR de Matam", aussi dans le libellé "sur le terrain".

Curiosité : dans la tradition locale "pënc" (mot Wolof) désigne l’endroit du village où les personnes se rencontrent, normalement en fin de journée, pour discuter sur tout et sur rien ; c’est un lieu d’échange d’informations commerciales, économiques, réglementaires, sociales, culturelles etc. Le mot a été repris de façon très astucieuse pour désigner les centres d'informations régionales à service des agriculteurs sénégalais.

* pour plus d’informations sur le CNCR, l’ASPRODEB et le programme PSAOP, qui finance la mise en œuvre des Pënc au Sénégal, voir l'article "Le CNCR, l’ASPRODEB et le PSAOP" publié le 10 juillet 2008.

Sources : entretien avec Marius Dia (CNCR), entretien avec Amadou Diop (ASPRODEB)

10 juil. 2008

Structure de la profession agricole au Sénégal

Politiquement le Sénégal est divisé en régions, départements, arrondissements, communautés rurales et villages. Le pays compte approximativement 13 mille villages, regroupés dans 325 communautés rurales. Deux à quatre communautés rurales forment un arrondissement, deux à trois arrondissements forment un département, trois départements forment une région (sauf dans le cas de la région de Dakar qui compte 5 départements). On a un total de 35 départements et 11 régions (plus 3 récemment créées).

En ce qui concerne l’organisation de la profession agricole, un producteur compte avec des instances institutionnelles au niveau du village (Groupement de Producteurs), de la communauté rurale (Cadre Local de Concertation des Organisations de Producteurs, CLCOP, et Conseil Rural), et de la région (Pënc et Conseil Régional). Il y a plusieurs groupements de producteurs par villages. Approximativement 200 des 325 communautés rurales du Sénégal comptent avec un CLCOP. Dans cette instance, des réunions sont organisées à chaque 15 jours pour échange d'informations et discussion sur les contraints du développement local. Au niveau régional, ces réunions se font une fois par mois.

Source : entretien avec Marius Dia (CNCR)

Le CNCR, l'ASPRODEB et le PSAOP

Le CNCR (Centre National de Concertation et de Coopération des Ruraux) a été créé par la société civil (des institutions faitières) en 1992 comme instrument d'influence auprès du gouvernement, pour défendre les intérêts des producteurs dans la définition de politiques agricoles au Sénégal. Au fur et à mesure que l'influence du CNCR augmenté, le gouvernement a commencé à solliciter le CNCR du côte opérationnel, pour la mise en pratique des suggestions formulées. Or le CNCR avait été conçu comme une entité à vocation politique, caractère qu’il garde encore aujourd'hui.

Les mêmes institutions faitières fondatrices du CNCR créent donc en 1995 l'ASPRODEB (Association de Promotion du Développement à la Base), une ONG indépendante du CNCR dont l’objectif était de répondre au besoin d’exécution des propositions. Dès sa fondation, l’ASPRODEB compte un conseil d'administration et une agence d'exécution de projets (AGEP), cette dernière composée surtout de techniciens.

Passons donc à la question du système d’information. Le CNCR avait une stratégie de communication interne qu'incluait la création de centres d'information en zone rurale pour permettre une meilleure circulation des informations entre les instances administratives et la base (ce qui deviendrait plus tard les Pëncs). Il manquait, néanmoins, les ressources financières pour la concrétiser.

L'opportunité pour mettre en pratique ce plan est venue avec le projet PSAOP (Program des Services Agricoles et Organisations de Producteurs), financé par la Banque Mondiale. Le PSAOP comporte quatre composantes : recherche agricole, conseil agricole et rural, organisation des producteurs ruraux, et renforcement des services publics du Ministère de l’Agriculture et de l’Elevage. A la première phase du PSAOP, la gestion de la composante OP a été confié au CNCR, qui a pu mettre en œuvre la phase pilote des Pëncs : ils ont été installés dans 4 régions du pays.

Jusqu’à l’année 2000, le CNCR était la seule organisation représentative des paysans au niveau national au Sénégal. Avec le changement de gouvernement en 2000, les relations entre le CNCR et l’Etat se détériorent. Le nouveau gouvernement favorise la création d’autres institutions de représentation paysanne au niveau national. Depuis cette date six autres institutions du type ont été créées (avec le CNCR elles sont actuellement 7).

Même si ces autres institutions n’ont pas la représentativité qui possède le CNCR, comme le financement derrière le PSAOP est public (Banque Mondiale), les fruits du projet doivent être disponible à tous les agriculteurs, indépendamment de leur affiliation à une ou autre institution de représentation paysanne.

Ainsi, le CNCR, qui a conçu la stratégie de communication derrière les Pëncs et qui a eu la possibilité de la mettre en pratique grâce au financement de la Banque Mondiale, voit actuellement le contrôle de ce système d’information lui échapper. D’ailleurs, à la deuxième phase du PSAOP (de 2007 à 2011) c’est l’ASPRODEB qui est responsable par la gestion du budget de la composante OP, et qui, en conséquence, a pris le contrôle du réseau des Pëncs.

En effet, l’argent derrière le PSAOP est public, et il est raisonnable que les résultats du projet soient mis à disposition de tous les agriculteurs sénégalais, et non pas seulement de ceux affiliés à l’institution responsable par l’idéalisation du système. Il est néanmoins compréhensible que le CNCR ait du mal à accepter l’externalisation et la perte du contrôle sur un système d’information conçu en interne, surtout dans un paysage politique adverse. "Nous nous sommes prostitués" dit Marius Dia, du CNCR, faisant allusion au financement de la Banque Mondiale pour le développement des Pëncs.

Maintenant, le CNCR lance une opération de restructuration de son système d’information interne, indépendamment des Pëncs et du PSAOP (pour plus d’information voir article"Système d’information du CNCR" [à être publié bientôt]). Face à cette réaction, on pourrait craindre la mise en place d’un système parallèle aux Pëncs et donc un gaspillage de ressources au nom de rivalités politiques. Heureusement, comme ce projet lancé par le CNCR contemple seulement la formation des relais sur le terrain à l’utilisation des TIC, et non pas la mise en œuvre de l’infrastructure, il est possible qu’il vienne s’ajouter aux efforts du projet PSAOP dans le déploiement des Pëncs, et renforcer les synergies envisageables entre les deux initiatives. Ainsi on l’espère.

Sources : entretiens avec Marius Dia (CNCR) et Amadou Diop (ASPRODEB)

Visite à l’ASPRODEB, entretien avec Amadou Diop

Avec : Amadou Diop, chargé de communication à l’ASPRODEB (Association Sénégalaise pour la Promotion du Développement à la Base)
Quand : le 16 juin 2008
Où : au siège de l’ASPRODEB, Dakar, Sénégal
Objet : les Pëncs, le projet PSAOP, problèmes des systèmes d’information ruraux, espoir de développement local

Dans la même journée j’ai eu l’opportunité de discuter avec Amadou à deux reprises, en fin de matinée et en fin d’après-midi – on avait trop de choses à dire, il me semble ! On a discuté principalement sur les Pëncs (voir article"Les Pëncs") et le projet financé par la Banque Mondiale dans le cadre duquel ces centre d’informations ont été mis en place (PSAOP, voir détails dans l'article "CNCR ASPRODEB et les Pëncs"). Il m’a fourni des pièces importantes du puzzle PSAOP-CNCR-ASPRODEB. Sa description des trois principales contraintes actuelles pour le développement d’un système d’information rural me semble précieuse ! et également inspirée a été son explication de l’espoir qu’il a pour le développement local au Sénégal.

Selon Amadou, les principales contraintes rencontrées dans la saga de développement des systèmes d’information ruraux au Sénégal sont, en ordre décroissant d’importance :
  1. le manque de structuration des OP, qui se fait sentir au moins à travers deux indicateurs : le manque d’indépendance des OP par rapport à des projets de développement spécifiques (budget et durée limités) – pas d’autonomie institutionnel –, et, en dépit des fonctions formelles distinctes dans l’organisation, la centralisation des informations et du pouvoir sur quelques élus – entraves à la circulation de l’information ;
  2. bas niveau de formation des agriculteurs, ce qui détermine un besoin en information adapté dans la forme (vocal si possible) et très simplifié dans le contenu ;
  3. problèmes d’infrastructure, à la fois en termes d’accès à la technologie, de coût d’utilisation et de fiabilité du service proposé.
Amadou a insisté sur l’ordre de priorité de ces questions, mettant l’accent sur le fait que sans une bonne structuration de la profession agricole, un système d’information ne peut pas être efficacement exploré par les producteurs. Il a même cité comme exemple le projet MISTOWA qui, selon lui, n’a pas atteint ses objectifs originaux parce que les OP impliqués n’étaient pas suffisamment structurées pour profiter de l’infrastructure mise en place.

Amadou garde néanmoins un très grand espoir par rapport au développement local au Sénégal, et il s’explique : il y a toute une nouvelle génération, des jeunes sénégalais bien formées, qui reprend l’intérêt par le développement rural, et commencent à rentrer en brousse pour servir de leadership local. Selon lui, tous les sénégalais ont une histoire liée à l’agriculture. Ceux qui sont venu en ville à la recherche d’opportunités y ont trouvé également des inconvénients de poids, comme des problèmes de sureté, de la délinquance – moins fréquents dans la zone rurale. On commence à relativiser l’idée selon laquelle le développement ne peut se faire qu’à l’intérieur des murs de la ville. Et quelques-uns, bien formés, rentrent chez eux et assurent le commandement du développement au niveau local. Amadou a rappelé que "on est toujours plus heureux chez soi", et m’a montré que cet attachement des personnes au monde rural, lié à des circonstances structurantes, comme la possibilité de suivre une bonne formation pour quelques-uns d’entre eux, engendre un nouveau souffle pour le développement rural sénégalais.

Finalement, Amadou m’a parlé d’un projet de l’ASPRODEB, encore en phase de conception, de mise en place d’une plateforme informatique d’échange entre les agriculteurs. Ils ont déjà un accord de principe de la part du ministère des technologies sénégalais pour le financement public aussi bien de l’infrastructure que des formations. L’objectif est l’échange d’information de marché des intrants, des produits agricoles, mais aussi des bonnes pratiques agricoles. Des synergies sont à étudier entre cette initiative et la plateforme e-agriculture.

9 juil. 2008

Visite au CNCR, entretien avec Marius Dia

Avec : Marius Dia, Technicien Coordinateur du CNCR
Quand : le 16 juin 2008
Où : au siège du CNCR (Centre National de Coopération et de Concertation des Ruraux), Dakar, Sénégal
Objet : système d’information du CNCR

Dans cet entretien on a discuté de plusieurs sujets, commençant par la structure des organisations paysannes au Sénégal, passant par les centres régionaux d’information liés au réseau des CRCR (Centres Régionaux de Coopération et de Concertation des Ruraux) appelés Pënc (se lit "peint"), quelques informations pratiques sur les sources d’information du CNCR et sur le coût d’accès à internet au Sénégal, et finalement la question de la restructuration du système d’information du CNCR. Pour les questions de fond de ces divers sujets je vous invite à lire les articles spécifiques [qui seront publiés très bientôt].

Question circonstancielle: pendant mon entretien avec Monsieur Dia, une pluie très intense est tombée sur Dakar; quelques minutes après son début, une bonne partie des rues de la ville étaient inondées (et d'ailleurs elles sont restées sous l'eau plusieurs heures après la fin de la pluie), et, peut-être plus grave en ce qui concerne les systèmes d'information, plusieurs coupures d'électricité se sont succédées (plus de 5 dans un espace de temps de 3 heures), parfois durant plus de 20 minutes. La fragilité des infrastructures de base est certainement un handicap pour le développement des systèmes d'information dans les pays en question.

8 juil. 2008

Voyage en Afrique de l’Ouest - juin 2008

Du 15 au 30 juin 2008 j’ai été en Afrique de l’Ouest pour visiter quelques initiatives d’utilisation des TIC par et pour des agriculteurs.

Au Sénégal, j’ai visité le CNCR (Centre National de Coopération et Concertation des Ruraux), l’ASPRODEB (Association Sénégalaise pour la Promotion du Développement à la Base), Manobi et le projet PRODAM II (Projet de Développement Agricole de Matam). Au Mali, j’ai visité le siège de l’AProCA (Association des Producteurs de Coton Africains) et l’UN-SCPC (Union Nationale des Sociétés Cotonnières et des Producteurs de Coton). Au Burkina Faso, j’ai visité l’UNPCB (Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina) et l’entreprise Celtel, opérateur de téléphonie mobile.

Dans les jours qui viennent je vous décrirais chacun des entretiens par des brefs articles avec les sujets débattus et les circonstances de déroulement de ces rendez-vous, ainsi que quelques impressions, commentaires et curiosités. D’autres articles seront dédiés spécifiquement à des points d’intérêt pour la thèse, comme les centres d’information dans chacune des expériences visitées, où j’essaierai de regrouper et analyser des informations de plusieurs entretiens.

Réunion avec CM

Avec : Claude Meyer, directeur de thèse
Quand : le 07 juillet 2008, de 12h15 à 13h15
Où : bistrot Au Père Tranquille, Les Halles, Paris
Objet : point sur le voyage en Afrique de l’Ouest et orientation méthodologique

Basé sur les constats, d’un côté, de manque de conditions pour l’utilisation d’internet de façon généralisée par les organisations paysannes (OP) africaines et, de l’autre côté, de l’importance d’une bonne structuration préalable des OP pour que les systèmes d’information puissent être utilisés de façon efficace, voici quelques commentaires et suggestions faits par le directeur de thèse:
  • Il est préférable de se concentrer sur un cas d’étude et bien l’approfondir, au lieu de rester à une analyse superficielle de plusieurs cas ;
  • Un des grands points de la réflexion doit être la possibilité d’inférences, de généralisation des conclusions à d’autres contextes ;
  • Il faut faire le bilan de ce qu’on sait dans le domaine : une étude bibliographique approfondie n’a pas encore été faite, or elle est fondamentale pour assurer la légitimité académique du travail de recherche ;
  • L’approche de la recherche-action peut s’avérer constructive dans notre cas, où on veut rester proche du terrain et où probablement il sera nécessaire de suivre une expérience dès son début. Monsieur Meyer va nous envoyer des références bibliographiques sur la méthodologie de la recherche-action et aussi sur l’objectivation de la connaissance, fondamentale dans cette approche ;
  • Sur l’utilisation de la radio en Afrique, Monsieur Meyer suggère le contact avec Alain KIYINDOU, président du conseil d’administration de la société française des sciences de l’information et de la communication (www.sfsic.org), qui a une grande expérience dans le domaine. Un rendez-vous serait envisageable pour recueillir des pistes sur le sujet ;
  • Monsieur Meyer ne croit pas qu’il ait une tendance de généralisation de l’utilisation d’internet en Afrique, au moins pas selon le modèle d’utilisation qu’on en fait généralement dans les pays développés ;
  • Monsieur Meyer va également me passer les coordonnées d’un autre doctorant sur sa direction, pour des échanges et réflexion sur des opportunités de travail commun.