Français: Blog sur la thèse de doctorat d'Eric Pasquati, dont le thème est l'appropriation des technologies de l'information et de la communication (TIC) par des agriculteurs ouest-africains.

English: Eric Pasquati's PhD concerning the appropriation of ICT by farmers in West Africa. Please, fell free to leave your comments in English.

Português: Tese de doutorado de Eric Pasquati sobre a apropriação das tecnologias da informação e da comunicação (TIC) pelos agricultores da
África do Oeste. Será um prazer discutir também em Português sobre o tema.

Español: Tesis de doctorado de Eric Pasquati sobre la
apropiación de las tecnologías de información y de la comunicación (TIC) por los agricultores del África de l'Oeste. Sientan la libertad de dejar también sus comentarios en español.

29 août 2008

Voyage de juin 2008 - enseignements

Chacun des trois principales entraves au développement des systèmes d'information agricole citées précédemment (dans l'article des constats) donne lieu à un enseignement: l'importance de la structuration et de la transparence des OP, la nécessité de formation des acteurs à l'utilisation des systèmes, et les caractéristiques de base d'une plateforme technologique adaptée (coût réduit, largement propagée et basée sur l'oralité). Les constats concernant des aspects culturels liés à l'échange de connaissances nous permettent, d'un côté, de conclure que le questionnement de la thèse est cohérent avec la préoccupation actuelle des OP de promouvoir des échanges de connaissance et leur efficacité, et de l'autre côté, d'identifier une des conditions socioculturelles pour atteindre cet objectif: la prise en compte de l'oralité. Voici donc ces enseignements commentés.

Il faut que les agriculteurs soient organisés en organisations professionnelles pour pouvoir utiliser efficacement un système d’informations. La priorité de la structuration des organisations paysannes pour le développement rural en général et pour celui des systèmes d'appui en information en particulier a été rappelée par plusieurs de nos interlocuteurs, non pas seulement issus d'OP, mais également d'autres d'institutions indépendantes. Tous sont d'accord pour dire qu'en absence d'une structuration forte et transparente de la profession agricole les agriculteurs ne seront pas en condition de bénéficier d'un système d'information. En ce qui concerne le système d'informations, la structuration de l'organisation professionnelle sert à formaliser les rôles des différents personnes qui constitueront les points-clés du réseau de circulation d'informations. Les degrés de structuration du système et de transparence de son fonctionnement détermineront la facilité de circulation des informations au sein de l'organisation. La structuration des organisations professionnelles reste donc une priorité.

Face au constat du manque de formation des agriculteurs, considéré par bonne partie des acteurs rencontrés comme la deuxième contrainte majeure au développement agricole, toute initiative de développement à travers le déploiement d'un système d'information doit comporter un volet d'accompagnement pour la formation des utilisateurs. Cet accompagnement doit comporter aussi bien de la formation à l'utilisation des outils techniques du système que des indications méthodologiques à propos du traitement et de l'échange d'informations. Si en plus le système est conçu de façon participative et claire pour répondre aux besoins locaux, les utilisateurs seront convaincus de son utilité, et l'appropriation des moyens techniques utilisés sera favorisée. Les utilisateurs potentiels seront motivés pour apprendre et, aidés par des locaux, ils seront plus à l'aise pour surmonter des éventuelles difficultés dans la maitrise opérationnelle du système.

Puisque l'accès à internet et conséquemment la maîtrise de son utilisation sont encore très limités en Afrique de l'Ouest, surtout dans le monde rural, ce moyen de communication ne peut pas actuellement jouer le rôle principal dans la configuration d'un système d'information agricole. Dans le contexte actuel, et visant à assurer des résultats à court et moyen terme, un tel système doit utiliser des technologies dont l'accès soit moins cher et plus généralisé que celui d'internet. En plus de cela, l'appropriation du système sera d'autant plus facile que les technologies utilisées permettent l'exploration de la dimension orale dans la communication. En bref, il faut une technologie à bas coût d'accès et d'utilisation, basée sur l'oralité et qui soit largement propagée dans le monde rural africain; voilà un cahier des charges auquel la radio et, de plus en plus, le téléphone portable semblent pouvoir répondre.

Pour le développement d'un système d'information agricole, l'ordre de priorités suggéré ici – en premier lieu la structuration des OP, ensuite la formation des agriculteurs et seulement en troisième lieu la question de l'infrastructure technologique – attribue délibérément un rôle accessoire à la technologie. La technologie n'est pas une fin en soi. Mais tous les acteurs rencontrés sont convaincus de son importance et de son potentiel pour faciliter les échanges entre les divers acteurs de terrain. La technologie est un catalyseur du développement local, un outil pour rendre ce développement plus facile et plus rapide. En plus, le bon usage de la technologie peut engendrer des résultats positifs du côté de la structuration des OP: "catalysant" la communication interne, la technologie facilite une plus grande participation des producteurs aux activités de l’organisation professionnelle, fortifiant en conséquence sa structure.

En ce qui concerne les aspects culturels mis en avance précédemment, d'un côté nous pouvons vérifier que l'intérêt par l'échange de connaissances dans le monde rural est déjà exprimé par les agriculteurs ouest-africains. La motivation de la thèse[1] n'est donc pas fondée sur une simple hypothèse, elle s'avère en cohérence avec une réalité du terrain. L'expression spontanée du besoin d'échanger davantage des informations et des connaissances entre les agriculteurs témoigne de la maturité du sujet et suggère un bon accueil de la part des organisations et des projets opérationnels pour l'analyse proposée dans notre travail de recherche. De l'autre côté, le retour à la campagne des jeunes, qui étaient partis chercher une formation supérieure en ville ou à l'étranger, peut engendrer un nouveau souffle pour le développement rural. Cette nouvelle génération d'acteurs locaux est mieux disposée et préparée à l'utilisation des TIC et peut dynamiser davantage les relations entre les agriculteurs.

Enfin, la prise en compte de l'oralité, tant qu'aspect fondamental de la culture communicationnelle ouest-africaine, est une condition nécessaire au succès des systèmes d'échange d'information et de connaissances entre les agriculteurs. Le degré d'adéquation des systèmes d'information à cette caractéristique socioculturelle détermine la facilité de leur appropriation par la population et donc leur niveau de réussite.
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[1] "La motivation première de ce travail est l'analyse des conditions de mise en œuvre d'un système d'échange de connaissances entre des agriculteurs africains." (dans l'introduction de ce document)

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