L’identification du propre de l’être humain a amené les chercheurs à faire des comparaisons systématiques avec les animaux. Plusieurs points distinctifs des humains ont été évoqués : la bipédie, de comportements particuliers comme la fabrication d’objets de toute sorte, le langage, la religion, etc. Dortier nous rappelle néanmoins que la supériorité de l’intelligence humaine par rapport à celle des autres animaux n’est pas absolue :
"Chaque espèce a développé des formes d’intelligence spécifiques (…) Peut-être même existe-t-il des formes de cognition qui nous seront toujours étrangères." (DORTIER, 2004 – p 353)
Il dit encore que la culture n’est pas une exclusivité des humains. Il a été prouvé à plusieurs reprises que les conduites animales ne sont pas que des réactions instinctives, et que plusieurs espèces sont capables de transmettre des savoirs à de nouvelles générations. Les cultures animales restent toutefois beaucoup plus simples que les humaines.
Le différentiel développé chez les humains serait l’aptitude cognitive de la métareprésentation, c’est-à-dire, l’utilisation des représentations comme objets de pensée, la création des mondes virtuels, ou encore, selon Dortier, l’invention proprement des idées. Cette spécificité de l’intelligence humaine a permis le développement d’autres aptitudes secondaires, comme, par exemple :
- la faculté à évoquer mentalement des objets absents : créer des représentations mentales détachées du contexte immédiat ;
- l’aptitude à l’anticipation : planifier des activités sur le long terme et agir "avec un modèle en tête" ; mais surtout
- la capacité d’analyser nos états mentaux et d’agir pour les modifier en cohérence avec un plan, une intention, une finalité.
Dans la fabrication d’outils par exemple, cela signifie, selon Dortier :
"(…) se représenter à l’esprit un but à réaliser, avoir un schéma mental de l’objet à obtenir, puis organiser son action en buts et sous-buts en vue de parvenir à ce résultat."
Pour les êtres humains la métareprésentation aurait donné naissance au langage, mais aussi à la technique, à l’art, à la culture symbolique. Cette dernière est définie par Dortier comme "l’ensemble des lois, des règles morales, des institutions, des mythes et des idéaux collectifs qui organisent la vie collective des humains" (DORTIER, 2004 – p 355). Le langage n’est, pour lui, "qu’un outil – un outil collectif – qui sert à communiquer plus ou moins bien les pensées qui lui préexistent" (DORTIER, 2004 – p 357). En particulier, Dortier cite les recherches sur les images mentales, qui ont révélé l’existence d’une pensée visuelle indépendante du langage.
En appui de sa théorie de la machine à idées, l’auteur présente deux arguments supplémentaires : l’apparition simultanée dans l’histoire de l’évolution humaine de la technique, du langage, de l’art ; et l’existence d’un centre cérébral unique responsable par ces activités: le lobe frontal (particulièrement développé chez les humains).
Finalement, pour mettre en évidence l’importance de l’environnement culturel pour le développement de la pensée humaine, Dortier dit qu’il y a 30 mille ans le cerveau de Cro-Magnon possédait déjà, biologiquement parlant, les mêmes potentialités et les mêmes limites que le nôtre.
"Dès lors [il y a 30 mille ans], les conditions requises pour le développement de la pensée ne dépendront pas de l’évolution cérébrale, mais de la dynamique propre de l’évolution culturelle." (DORTIER, 2004 – p 362)
*DORTIER, J. F. (2004). L'homme, cet étrange animal. Sciences Humaines Editions.
**DORTIER, J. F. (2006). Aux origines de la pensée. Article dans la revue Les Grands Dossiers de Sciences Humaines, n° 1.
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